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Mustango
31 août 1999

Jean-Louis Murat a brillamment remporté la septième étape du tour de France et s'est ainsi emparé du maillot jaune, qu'il devrait désormais conserver jusqu'à Paris.


Nul doute que les progrès de la lutte anti-dopage ne sont pas étrangers à ce formidable succès. Pour mémoire, Jean-Louis Murat a souvent essayé de se mesurer aux ténors du peloton mais ceux-ci, chargés à l'EPO et autres hormones de croissance restaient hors d'atteinte. Murat a toujours refusé ces procédés et préférait une classique préparation en altitude. Mais le col de la Croix-Morand ne culmine qu'à 1400m, pas suffisant pour porter son taux d'hématocrites au plus haut niveau...
La lutte anti-dopage est passée par là, poussée par une génération de jeunes champions, les Dominique A., Miossec, Katerine ou autres Julien Baer, élevés à l'eau claire. La donne allait donc être différente pour ce tour du renouveau et Murat a revu complètement sa préparation. Sa solution : un stage aux Etats-Unis. La méthode : très professionnelle et surtout une idée géniale : ne plus monter les cols assis sur la selle en emmenant une énorme braquet synthétique mais monter en danseuse, petit braquet. En souplesse en somme. Murat avait déjà tenté d'utiliser cette méthode pour le tour 93, période Vénus. Mais le côté "amateur" de l'aventure avait montré quelques limites dans l'enchaînement des cols, ce qui ne s'est jamais produit aujourd'hui.
Dès le départ de l'étape, Murat ne cache nullement ses intentions. Il reste certes à l'abri dans le peloton mais fait rouler ses équipiers qui assurent un train d'enfer. Dès les hérons, déjà un classique, on sent qu'il est dans un grand jour. D'autant que le premier sprint à bonifications, Polly Jean, à l'approche du premier col , provoque une nouvelle accélération. Mais le meilleur reste à venir. Dès les premiers lacets de Nu dans la Crevasse, Murat lance la grande bagarre en se portant aux avant-postes et en lâchant ses adversaires au passage des premiers c?urs gospels. L'ascension est très longue mais Murat ne faiblit pas. Il profite de la traversée de Mustang pour reprendre des forces et se ravitailler (le fructose, le glucose...). Il paraît étonnamment léger et semble voler vers le sommet, un bang-bang d'anthologie, à classer d'emblée dans le top 5 du maître. Le dernier kilomètre d'ascension est fabuleux. Murat est sur un nuage et harangue la foule "Mais qu'auriez vous fait sans moi ?". L'extase.
Le sommet à peine franchi, il faut vite se reconcentrer. Car la descente vers Belgrade est difficile, très technique. Les lacets s'enchaînent sur un revêtement inégal mais Murat s'en sort à merveille. Arrivé dans la vallée, il peut à nouveau souffler quelques instants, le temps d'un ravitaillement réparateur où Joe et John lui tendent la fameuse musette. Pas de produits dopants, au moins ? ("are you sure, les gars ?"). Non, pas de produits dopants, mais de l'énergie à revendre. Qu'il s'empresse de dépenser sur "les gonzesses et les pédés", l'occasion de se dégourdir les jambes et d'évacuer le trop plein d'acide lactique anti-FN.
Au pied du dernier col, Murat a course gagnée, le peloton pointant à plus de 10 minutes. Mais le public est nombreux dans la montée et l'incite à en remettre une couche. Dans la montée du Mont sans Souci, il est facile comme jamais, sidérant de légèreté et de fraîcheur. Ce n'est que passée la flamme rouge qu'il s'accorde une pose pour savourer cette extraordinaire performance et lever les bras au ciel. Et il peut être fier. On pensait que ces exploits n'existaient plus que dans les rétros de Jean-Paul Olivier. Le peloton est bien loin et le tour est gagné.