Les avis sur ce concert

Vendredi 10 décembre 1999, 20H30. Cinq rangs de chaises alignés dans la fumée d'une salle des fêtes, en Haute Savoie. J'ai dû traverser des stations de ski enneigées pour venir voir JLM depuis Chambéry, il faut vraiment aimer ce type !

D'emblée, je suis surpris par l'exiguïté de l'Espace Mont Blanc. Murat paraît, en chemise à carreau et jeans délavés, un pull-over noué autour du cou. Il a sa tête des mauvais jours, on a dû le contrarier pile avant qu'il n'entre en scène. Pas de bol ! Il s'assied avec sa guitare et nous gratifie tout de go d'un" Jim " superbe, assez proche de celui qu'on a pu entendre à NPA le fameux soir où il s'est payé la fiole de Devoise et Vecchi.

Réactions enthousiastes du maigre public. Mais un pochard s'est manifesté de manière inopportune au beau milieu de la chanson, ce qui n'a pas contribué à détendre le Brenoï. L'artiste remercie, bidouille des micros,
tripote des jacks puis se lève et va se mettre au piano avec autour du cou un harmonica fixé à deux branches d'acier, genre homme orchestre. Il ne lui manque que des grelots aux pieds et une colombe sur le chapeau. Il nous sidère par un " Mustang " superbe, aussitôt suivi d'un admirable " Mont sans soucis ". Puis il se lève, empoigne le micro, et annonce une chanson inédite. A ma droite, le pochard se lève et bafouille quelques mots à son attention. Murat ne relève pas et entonne le premier couplet de la chanson inédite en question. Mais l'autre se met alors à applaudir en plein refrain ! Murat se fige, détourne les yeux en direction du type et demande : "Qu'est ce qui se passe ? Il y a une manif CGT, là-bas dans le fond ?" Personne ne moufte, mais le Brenoï a décidé
de dégainer l'artillerie lourde. Plutôt que de terminer sa chanson, il contourne les claviers et chuchote quelque chose à Régis, qui porte des lunettes noires et un gros bonnet de rappeur. Après quoi il retourne s'asseoir avec sa guitare. Silence de quelques instant -une éternité ! Puis nous nous trouvons subitement cloués à nos fauteuils par une détonante version de Belgrade balancée à fond d'amplis. Superbe moment, Murat est auréolé de rayon
perçant les fumées. Gros succès. Applaudissements et sifflets. L'Auvergnat pose sa guitare, rempoigne le
micro et commence à arpenter la scène sans mot dire.

Les murmures réitèrent dans les rangs des spectateurs. " Heureusement que les gens de la montagne sont des
taiseux… Lâche-t-il. On dirait un public de Marseillais… " Silence dans la salle. " Bon, on va essayer de la refaire " Et il nous gratifie enfin du magnifique morceau interrompu quelques instants plus tôt. Le pochard semble décidé à la jouer profil bas, le reste du concert se déroule sans incident et au final, en un duo basse guitare parfait, Murat nous envoie au tapis avec "Calexico".

Au retour j'ai failli me planter la calandre contre un sapin dans les gorges de l'Arly: il avait gelé sur la neige fraîche. N'empêche, un bien belle soirée.

Eric des Bauges